“Ma crotje”, un nom gentil ? La “gosette”, une pâtisserie ? Le “moeilezel”, un animal ? Le bruxellois, aussi écrit “brusseleir”, est né à Bruxelles au XIXème siècle (puis plus largement répandu dans la capitale courant XXème siècle) par la fusion du brabançon, parler germano-néerlandais utilisé à l’époque, et du français, imposé durant l’occupation française (1792-1814) puis reconnu comme seule langue officielle après l’indépendance du pays en 1831. Regorgeant d’expressions typiques et de variantes, le bruxellois est fascinant de par son abondance de syntaxe germanique épousant les racines du parler français.
L’histoire du bruxellois
Quand se proclame l’indépendance de la Belgique en 1830, la plupart des belges parlent encore des patois flamands et wallons, dont le brabançon. Le français, bien qu’il vienne d’être élu seule langue officielle du pays, ne demeure utilisé que par une partie de la noblesse, de la bourgeoisie et de la population ayant atteint l’enseignement secondaire.
L’enseignement obligatoire du français pour tous les élèves de 6 à 14 ans dès 1914 et l’arrivée à Bruxelles d’habitants de la classe moyenne francophone du sud du pays changent la donne : dès lors, le français se diffuse parmi les classes populaires. L’ex-brabançon et ses racines germano-néerlandaises se mêlent au français pour donner naissance au bruxellois.
“Alleï, fieu, dis !”*
L’implantation du français dans le brabançon se veut très riche et s’observe régulièrement dans des mots à racine française et suffixe germanique : par exemple, “autoriseire” (autoriser), “applaudisseire” (applaudir) et “constateire” (constater). Ce “brusseleir” peut également varier en fonction des quartiers : le vloms (ou bruxellois flamand) est plutôt utilisé dans le quartier des Marolles tandis que le bargoensch est un argot propre à Molenbeek employé par les voyous de l’époque.
Tintin parle bruxellois ?
Le bruxellois arrive très bien à se faire une place dans la culture : son humour et sa zwanze (un type d’humour exagéré et un art de vivre nés à travers le bruxellois) sont clairement identifiables chez Fonson et Wicheler avec leur pièce de théâtre “Le Mariage de Mademoiselle Beulemans” (1910) mais aussi chez D’Hanswyck et Van Stalle avec “Bossemans et Coppenolle” (1938). Hergé en faisait un usage régulier dans ses BD “Tintin” et “Quick et Flupke” ; même Jacques Brel y faisait allusion dans sa chanson “Bruxelles” !
“Fais pas ton zievereir” !
Mais alors, le bruxellois est-il encore utilisé de nos jours ? Hélas non, comme vous devez déjà l’entendre, la grande majorité des bruxellois étant totalement passée au français. Néanmoins, quelques mots sont restés et semblent encore usités : entre autres, un “babbeleir” (bavard), un “zievereir” (raconteur d’histoires), un “brol” (bazar, désordre), un “dikkenek” (prétentieux), un “peï” (l’équivalent de “mec”) et la fameuse “drache” (pluie torrentielle) aussi employée par les français du nord de la France. Si c’est pas un sacré “brol” tout ça !
Sources : Brussels Life / Wikipédia / La Bruxelloise de Liège
*En français : “Allez, mec, raconte !”.
© Photo de couverture : Culture Trip / Wikipédia / Guillaume Meurice.