Cette peinture anonyme datant de l’année-même où eut lieu le choc en dit long sur l’horreur de la scène. Si le bombardement de Bruxelles en août 1695 par les forces françaises entraîna étonnamment peu de pertes humaines (la population eut le temps de se réfugier à l’est), la destruction de la ville fut, elle, non négligeable. 4000 à 5000 bâtiments furent détruits par les flammes.
Été 1695. La guerre de la ligue d’Augsbourg bat son plein depuis l’année 1688, dans laquelle s’affronte la monarchie de France et une coalition européenne (dite de la Ligue d’Augsbourg) composée des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas. En reprenant le contrôle de Namur en juillet 1695, Guillaume III d’Angleterre (côté Ligue, et qui possède Bruxelles comme capitale) attire la colère des français, qui occupaient la ville depuis trois ans.
Le roi Louis XIV, irrité, exige au Maréchal de Villeroy (en charge de l’invasion française dans les Flandres) de bombarder Bruges et Gand. Pour faire plus d’effet (et piéger l’ennemi dans un environnement éloigné de Namur), Villeroy y privilégiât notre triste Bruxelles…
Le 11 août 1695, les armées françaises débarquent sur les hauteurs à l’ouest de la ville, équipées de 12 canons, 25 mortiers, 4000 boulets, 5000 bombes incendiaires, 1500 chariots et… 70 000 hommes ! La pauvre cité bruxelloise, dont les fortifications sont vétustes et qui n’a jamais été une place forte, a peu de chances de se préparer au désastre. L’armée française fait feu. Le bombardement de Bruxelles débute le 13 août à 19h.
La population, désespérée, se réfugie dans le haut de la ville, à l’est de la vallée de la Senne (dans ce que nous connaissons aujourd’hui comme le Mont des Arts et le Parc Royal). Elle assistera impuissante à l’embrasement complet du cœur de Bruxelles, ravageant entre 4000 et 5000 bâtiments, et notamment la Grand-Place.
Au lendemain du bombardement de Bruxelles, les dégâts matériels sont colossaux. Un tiers de la ville est rayé de la carte. En plus d’une ville défigurée, de nombreux monuments, oeuvres d’art, pièces propres du patrimoine belge disparurent sous les décombres. Les pertes s’évaluèrent à plus de 50 millions de florins (approx. 22 millions d’€). À l’époque, une telle somme est impensable, et la vaste catastrophe suscitera une grande indignation partout en Europe.
La reconstruction du centre de la ville ne prendra étonnamment que cinq ans et s’effectuera à une rapidité exemplaire, marquée par une gestion des fonds particulière, le souhait de relancer l’économie et d’éviter l’exode urbain, mais aussi d’améliorer le statut et l’usage des lieux publics. Bruxelles renaît de ses cendres, encore plus belle qu’avant.
Lors de votre prochaine visite sur la Grand-Place, levez les yeux au-dessus de la maison de la Louve (numéro 5). Sur son toit, un phénix surgissant des flammes et faisant référence au bombardement a été érigé accompagné des lettres « combusta insignior resurrexi […] » : « M’étant consumé, je me suis relevé plus éclatant encore […] ».
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