Bien avant la télévision, bien avant le câble et le satellite et bien avant les services de streaming que l’on connait aujourd’hui, il y eut l’âge d’or des salles de cinéma à Bruxelles. Cet essor, qui débuta au commencement du 20ème siècle, atteint son sommet dans les années 1950-60, avant de s’estomper drastiquement dans les décennies qui suivirent.
Dans les années 1950-1960, on ne se donnait pas rendez-vous à l’UGC De Brouckère, mais à l’Eldorado ! Avec ses 2122 places, il figurait parmi les plus grands cinémas du centre-ville, avec notamment les cinémas Marivaux (1605 places), le Métropole (2780 places), le Pathé-Palace (1325 places) et le Variétés (1941 places). Cet âge d’or des salles de cinéma à Bruxelles, qui atteint son sommet dans les années 50, débuta très rapidement au commencement du 20ème siècle : la projection du cinématographe des Frères Lumière en Belgique, le 1er mars 1896 dans la Galerie du Roi à Bruxelles, ouvrit la voie à la création et la construction de salles de cinémas dans la capitale.
Pour l’anecdote, une plaque commémorative installée dans la Galerie et toujours visible aujourd’hui porte le souvenir de ce grand moment du septième art à Bruxelles.
L’essor des cinémas à Bruxelles est rapide et de nombreuses salles ouvrent rapidement dans le premier quart du 20ème siècle. Le tout premier cinéma officiel de la ville est le Théâtre du Cinématographe, ouvert en 1905 sur l’actuel boulevard Adolphe Max. Beaucoup de ces cinémas sont en réalité d’anciens théâtres reconvertis en ce nouveau média qui passionne les foules. Ateliers, garages, salles de ventes, galeries et même restaurants : on pose un projecteur un peu partout et on transforme le tout en salle de cinoche. La rue Neuve est même surnommée « la rue des cinémas » : en 1933, elle en compte 12 !
Certains de ces cinémas optent pour une entrée discrète, tandis que d’autres se la jouent palace d’Hollywood. Les façades richement décorées et lumineuses du Pathé-Palace, de l’Eldorado, du Cinémonde, du Plaza ou encore de l’Agora marqueront longtemps la mémoire des bruxellois. Ce dernier justement, sera pendant plus de dix ans le plus grand cinéma (et le mieux équipé) de Bruxelles. De style Louis XVI, il disposait de 2393 places, grâce à deux niveaux de loges et balcons en plus du parterre. Il possédait même son propre orchestre !
L’Agora est détrôné par le Métropole en 1932. Avec 3000 sièges disposés en une salle (un record), il est le cinéma le plus grand, le plus majestueux et le plus prestigieux qu’ait connu Bruxelles. Il ne diffusait que des films inédits et des premières, et disposait d’une décoration éblouissante jamais vue en ville : hall magistral et transparent de quatre étages, fontaines d’eau dorée, scène protégée par des tuyaux d’orgue, rideau de velours blanc, cordons de feu à l’entrée, marbre antique, bois de citronniers et de noyers, tubes luminescents, miroirs, métaux chromés…
Son nom devient toute une expression. On ne se donne plus rendez-vous à De Brouckère ou sur la Grand-Place mais bien « devant le Métropole », situé rue Neuve 30, derrière l’ancien Times Square bruxellois. Aujourd’hui, une partie de la splendide façade d’antan est toujours visible. Il s’agit d’un magasin Zara… (sans commentaire…).
L’âge d’or des cinémas à Bruxelles explose des années 30 aux années 50 (ils seront toutefois censurés et restreints durant la Seconde Guerre Mondiale). À l’aube des années 60, on compte un nombre ahurissant de 133 cinémas (sans compter toutes les salles) éparpillés dans la région de Bruxelles-Capitale. L’expansion de l’automobile, qui conduit les citadins à déménager vers la campagne et à déserter la ville, ainsi que l’avènement de la télévision (2 millions de postes en Belgique en 1969) entraînent peu à peu le déclin et la fermeture des salles obscures.
Par souci de rentabilité, le peu de cinémas qui survivront à cette période diviseront leur espace en plusieurs petites salles : c’est la naissance du multiplexe. Le premier vrai multiplexe de Bruxelles (en tout cas, pensé et construit comme tel) est l’UGC City 2, réalisé en 1978, qui contient huit salles. Suit le célèbre Kinépolis en 1988. Dans ces cages à projecteurs, adieu la belle décoration du passé : les sièges sont plus confortables mais les salles sont sans âme.
Il est difficile de s’imaginer aujourd’hui ce qu’a pu être l’effervescence des salles de cinéma en Belgique. Quelques détails ici et là (le néon du Mirano, l’intérieur sublime de l’Aegidium à Saint-Gilles…) donnent un aperçu de l’architecture grandiose de ces salles de cinéma disparues. Et puis, de temps en temps, de bonnes nouvelles nous donnent du baume au coeur : en 2023, le Styx, le plus petit cinéma de Bruxelles, devrait rouvrir ses portes… À défaut de faire renaître nos palaces disparus, pourra-t-on y retrouver toute l’atmosphère d’une séance de cinéma d’autrefois ?
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